Bahar Dar, Lake Tana, Gondar

21/26 novembre 2011

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D'Addis Abeba à Bahar Dar

 

Bloqué pour des raisons de renouvellement de visa, impossible sauf deux jours avant le terme - soit le 28 ou 29 novembre -, il m'est impossible de me rendre à l'Ouest pour travailler avec le partenaire éthiopien de SOS Faim Luxembourg : Harbu Micro-Finances. Par conséquent, je mets ce temps à profit pour quitter la capitale et découvrir une partie du nord, appelé "route historique", car il abrite une grande partie de l'histoire éthiopienne. En effet, avant la création d'Addis Abeba par Ménélik II à la fin du XIXème siècle, de nombreux souverains se sont succédés dans cette région.

 

Lundi 21 novembre, Atlas, 4h00 du matin, je quitte la maison en direction de Maskal Square, pour tenter ma chance auprès de la compagnie de transport Sky Bus, qui effectue des liaisons longues distances dans tout le pays. C'est sans doute la compagnie la plus chère (330 birr soit 14 euros pour Bahar Dar) - empruntée par la majorité des occidentaux, avec l'avion et la location de voitures - car les cars sont récents et identiques à ceux qui effectuent les liaisons inter-villes en Europe. Sans billet acheté au préalable, il est possible d'embarquer si des sièges sont libres. Ce ne fut pas mon cas. Ayant prévu cette possibilité, je me rends à la gare routière principale, dans le quartier de Merkato. Je connais l'endroit, mais pour des distances de plus de 300 kilomètres, les règles sont différentes, et la nuit, l'effervescence qui règne rendent les choses quelque peu surréalistes.

 

Première étape : acheter un billet. Je me frayes un passage au milieu de la cohue, pour me rapprocher des guichets et tenter de repérer lequel peut me vendre un ticket pour Bahar Dar. C'est loin d'être évident puisque chaque guichetier crie le nom de sa destination, rivalisant avec ses voisins, et que tout est écrit en amharique. Deuxième étape : trouver le bon bus. Le parking est noir de monde et il y a plus de 50 bus, donc il me faut pas moins d'un quart d'heure pour trouver celui qui dessert Bahar Dar. C'est le même type de bus que lors de mon voyage à Koyo, mais il est bien plus long et comprend 60 places : 59 éthiopiens et un français, comme d'habitude...6h30, nous quittons le Merkato et Addis Abeba par le Nord. Le soleil se lève, le ciel se teinte d'orange, de violet et de bleu.

 

Images-de-pages-et-articles 0172Durant les vingt premiers kilomètres, nous roulons à travers une vaste forêt d'eucalyptus, d'acacias et de résineux. Une fois passé le sommet, la plaine qui s'étend laisse place à un décor plus nu, avec des champs de thêf à perte de vue, quelques villages, de nombreuses habitations éparses, comme semées par le vent, et des troupeaux de quelques têtes. Durant quatre heures, entre collines, vallées, plaines, ce décor ne changera guère. Si cela peut paraître monotone, il n'en est rien pour celui qui sait profiter de cette unité pour réfléchir, et s'inspirer de ce spectacle de la nature infinie. Enfin, réfléchir, si tant est que ce soit possible de le faire tout en se cramponnant au siège de devant pour éviter de se cogner à la vitre à chaque soubresseau, qui, comme des contractions, sont de plus en plus fréquents et rapprochés au fur et à mesure que le bus prend de la vitesse.

 

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La descente vers le rift est lente et cahoteuse. Le paysage en contrebas porte les stigmates de l'activité ancestrale de la Terre sous forme de canyons de pierre rouge parsemé de maquis. Au fond de la gorge serpente un ruban argenté, le Nil Bleu, maigre consolation adoucissant les blessures sismiques pour la terre et la rudesse du climat pour les hommes. La compagnie de bus nous distribuant du pain, certains des passagers, apercevant des babouins en jettent par les fenêtres, et c'est bientôt une dizaine de singes qui courent derrière et à côté du bus, pour une petite miette. Passé le checkpoint, nous traversons le Nil par un pont flambant neuf construit par le Japon sur des plans d'architectes éthiopiens, l'ancien ouvrage, rouillé et obsolète, situé à quelques cinq kilomètres en aval, était trop instable et la route vers le Nord peu praticable. Après une ascension lente mais agréable au point de vue paysage, nous nous arrêtons dans la première ville du plateau. C'est une sorte d'aire de repos géante à mi-parcours, où minibus, bus et autres voitures de tourisme s'arrêtent pour une un repas bien mérité avant d'entamer la seconde partie du voyage. A chaque arrivée, une foule d'enfants et de femmes prennent d'assaut les passagers, vendant citrons, oranges, grain de blé grillés, mouchoirs, gâteaux ou boissons. A voir la mine étonnée des habitants, il semble que je sois encore le seul "visage pâle" aux alentours, ce qui me vaut d'être particulièrement hélé ou questionné par les vendeurs ou les hommes qui sirotent une bière, un café ou un thé devant les gargottes.

 

Images-de-pages-et-articles 0165Nous reprenons la route, et le paysage, bien que toujours aussi valloné, change quelque peu. Les champs, vu des sommets sont semblables à un patchwork géant au teintes vertes, brunes et jaunes, et les troupeaux sont bien plus imposants.Les 30 premiers kilomètres sont un peu rudes puisque la route d'asphalte a fait place à une piste poussiéreuse et pierreuse. Nous atteignons Debre Markos, où une partie des passagers s'arrêtent pour prendre un minibus vers d'autres villages, et je suis encore à deux bonnes heures de mon point d'arrivée : Bahar Dar.

 

Bahar Dar, les chutes du Nil Bleu et le Lac Tana

 

17h30. Fourbu mais heureux d'être arrivé, je quitte la petite gare routière de Bahar Dar, en plein centre-ville, pour rejoindre un petit hôtel le long de l'avenue principale qui traverse la ville de part en part et conduit au Lac Tana. Après un peu de repos, je flâne quelques temps dans cette ville aux allures de station balnéaire, avec ses rues bordées de palmiers, ses tuk-tuk et ses vélos, et contemple le plus grand lac d'Ethiopie (35 000 km²). Etant un point de chute touristique, je retrouve, à Bahar Dar, ce côté de la relation entre européen et africain qui consiste à demander rétribution pour tout et n'importe quoi. Ce n'est pas le cas dans la capitale, ni dans aucun des endroits déjà visité, et, à mon retour à Addis, mes colocataires éthiopiens me le précisent : "Bahar Dar est bien pour le Nil et le lac. La ville aussi, sans ses habitants. Ils sont spéciaux...". cela fait aussi partie du voyage.

 

En début de soirée, alors que je descends pour dîner, je tombe nez à nez avec Wako, qui séjourne dans le même hôtel et accompagne un groupe de touristes allemands durant deux semaines. Ne l'ayant vu depuis quelques temps, c'est l'occasion de retrouvailles sympathiques et joviales. Il me propose de me joindre à son groupe, gratuitement, pour le lendemain. Bien que les visites en groupe ne me plaisent guère, c'est une aubaine immanquable tant parce que Wako connaît bien la région que pour tout ce que ça facilite (transport, prix...).

 

Chutes du Nil BleuLe lendemain, nous faisons route vers les chutes du Nil Bleu, à une quarantaine de kilomètres de Bahar Dar. La piste qui y mène est plutôt bonne, et le paysage toujours un ravissement.Après avoir traversé le Nil, en amont du barrage, nous marchons une dizaine de minutes vers ce qui était considéré comme les plus belles chutes du continent africain, devant les chutes Victoria, et les secondes au monde après le Niagara. Aujourd'hui, en partie à cause de la construction du barrage hydro-électrique, les chutes du Nil Bleu ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Elles ne s'étalent que sur environ dix mètre de large avec un débit réduit, l'ensemble du mur et du cratère étant désormais le territoire de plantes diverses. Cela étant, ce cratère a quelque chose du "monde perdu", et il est possible de voir la splendeur des chutes durant la saison des pluies. Traverser le pont de singe est également un plaisir, mais les gorges qu'il surplombe sont quasiment à sec également.  Quoi qu'il en soit, arpenter cette nature reste est toujours aussi plaisant et attrayant.

  Porte donnant sur le coeur de l'Eglise

En début d'après-midi, de retour à Bahar Dar, nous embarquons pour l'île Nerga Selassié, à deux heures de bateau, sur le Lac Tana, le plus grand du pays. Pas moins de 37 îles abritent des églises et des communautés monastiques. L'une d'entre elles possèderait même l'Arche d'Alliance, coffre renfermant les Tables de la Loi remises à Moïse par Dieu, et dérobée en Israël par le fils du Roi Salomon et de la Reine de Sabba. Par ailleurs, certaines des îles ne sont pas accessibles aux femmes. L'Eglise Nerga Selassié est située au sommet de l'île. On y accède par un sentier qui serpente à travers un sous bois composé en majorité de caféiers, et infesté de moustiques. Le sentier est bordé de nombreuses échoppes vendant des croix orthodoxes en argent, des bracelets et autres miniatures en bambou ou osier. L'Eglise, de forme elliptique - forme traditionnelle des églises éthiopiennes - est composée de trois différents cercles. Il faut se déchausser pour y pénétrer. La paroi du cercle extérieur est composé de lames de bois, le couloir est en ciment brut et trois portes le divisent. Le second cercle est décoré de fresques reprenant les scènes de la Bible, la vie des Saints et des figures religieuses éthiopiennes telles que Saint Georges combattant le dragon ou Saint Michael. Le sol est composé de tapis épais aux couleurs rouges. Le cercle intérieur, quant à lui, n'est accessible qu'aux prêtres. Après la visite de l'Eglise, je discute avec un des prêtres qui me montre la première église construite et m'explique l'utilisation des différents éléments et pièces qui la compose. La construction, à première vue rudimentaire, s'avère architecturalement assez complexe vue de l'intérieur, et si l'espace est restreint, chaque espace était modulable pour offrir plus de possibilité. Ainsi, le banc principal s'ouvre en deux parties et servait de table et de pierre pour la cuisson de l'injera.

 

Lac Tana 5Après une heure et demi passé sur l'île, nous repartons vers Bahar Dar et assistons, du bateau, au coucher de l'astre solaire sur le lac.

 

 

 

 

 

 

 

 

Gondar

 

Wako ayant quitté Bahar Dar un jour avant moi, les tours de deux semaines étant réglés comme du papier à musique, je poursuis ma route seul vers Gondar, à 250 kilomètres au Nord. Il faut entre trois et quatre heures en minibus pour rejoindre cette ville, bastion du Roi Fasilidas et de sa descendance. La route est peu vallonnée, et toujours autant agricole (thef essentiellement), mais entrecoupée ça et là par des colonnes rocheuses. Durant le trajet, nous nous arrêtons régulièrement pour charger du khât, de l'herbe destinée à la cérémonie du café ou pour des contrôles - papiers du véhicule, nombre de passagers, cargaison et autorisation d'effectuer la navette. 

 

A mon arrivée à Gondar, je saute du minibus dans le centre appelé Piazza (comme un des quartiers de la capitale), et passe près d'une demi-heure à errer dans les rues et ruelles pour trouver l'hôtel que m'a conseillé Wako. Le coeur de la ville est peu étendu, mais elle s'étale par petites touches sur les collines environnantes à 2 200 m d'altitude, et dans la "vallée", aux portes du Parc National des montagne du Simien. Etant donné l'heure déjà avancée de la journée, je sors pour repérer les différents lieux historiques avant mes visites du lendemain.

 

6h30 du matin. Après un café vite expédié, je quitte l'hôtel, sac sur le dos, pour me rendre à l'Eglise Debre Birhan Selassié, sur les hauteurs de la ville. De la route, on peut apercevoir le plateau agricole au Nord, et, bien qu'il soit encore tôt, un voile opaque recouvre déjà l'horizon, signe que la journée va être chaude. L'Eglise, de forme éliptique - typique du style gondarien - n'est pas très grande, et si les fresques sont moins riches que dans celles du Lac Tana, le plafond, décoré  de visages d'anges qui regardent dans toutes les directions, offre une sensation particulière. Comme au Lac Tana, il faut se déchausser pour y pénétrer. Après avoir fait le tour de l'édifice, je flane dans le parc, au milieu des murs en ruine, avant de redescendre vers Piazza pour me rendre dans un autre hôtel, le plus ancien de la ville, pour y déposer mon sac et réserver une chambre pour le soir.

 

Après la visite d'une autre église - l'Eglise Saint Michaël - qui n'a pas particulièrement de spécificité, je me rends au complexe du Roi Fasilidas, place fortifiée en plein centre de Gondar. L'édifice le plus important, qui est l'oeuvre de Fasilidas lui-même, est très bien conservé, ce qui n'est pas le cas des autres bâtiments qui ont été construits par sa descendance. Après trois heures de promenade entre les vieilles pierres, retour à l'hôtel pour déguster des tebs, - morceaux de viande de zébu braisés accompagnés d'oignons et de piments verts - avant de repartir pour la vallée, à 10 km de Gondar, pour la visite des bains de Fasilidas et le complexe de Kuskuam qui les surplombe.

 

Gondar vu du Complexe de KusKuamLes bains sont en partie bien conservés, mais le complexe de Kuskuam, peu visité car situé à l'écart de Gondar, au sommet d'une colline, offre une belle vue sur la ville et la campagne environnante. Construit en 1730 pour la Reine Mentewab, le complexe est composé, dans la première enceinte, d'une église circulaire qui baigne dans le calme et la sérénité d'un petit parc arboré. Avant de pénétrer dans la seconde enceinte, qui abrite les ruines du palais, il faut s'acquitter de la taxe d'entrée dans un petit vestibule du mur d'enceinte. Très frais, il renferme également des objets de la reine, des croix orthodoxes en argent, des livres de psaumes et surtout les ossements de la reine et de ses deux fils. Les ruines du palais sont moins intéressantes, mais le sentiment de bien être que l'on ressent dans ce complexe suffit à lui-même. 

 

Sur la route, entre Bahar Dar et Gondar 5

En fin de journée, après près de 30 kilomètres de marche, je déguste un verre de Tej - vin de miel - à la couleur jaune poussin, servi  dans un verre qui ressemble plus à un ballon de chimie. Le lendemain, je retourne à Bahar Dar avant de continuer ma route vers Addis Abeba. Entre Gondar et Bahar Dar, une crevaison nous envoie quasiment dans l'apic, mais la maîtrise du chauffeur du minibus nous en empêche. Après 5 minutes, nous roulons à nouveaux à tombeaux ouverts vers les rives du Lac Tana. A 5h du matin, le lendemain, je me rends à la gare routière de Bahar Dar, en pleine effervescence, pour prendre place à nouveau dans un bus local en direction de la capitale. Comme à l'accoutumée, beaucoup d'Ethiopiens - surtout des femmes - me regardent d'un air interrogateur mêlé à une sorte de peur... C'est reparti pour onze heures de route. Après le passage du rift, un problème moteur nous force à nous arrêter pendant près de trois-quarts d'heure. assis dans l'herbe, je profite du paysage de ce plateau immense parsemé de troupeaux, et couverts de champs. L'arrivée à Addis est toujours un peu violente, entre pollution et marée humaine, mais néanmoins agréable.

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