Deux journalistes suédois reconnus coupables de "soutien au terrorisme"

Publié le par ethiopianadventures

Par Reporters Sans Frontières

Le 21 décembre 2011

 

Reporters sans frontières est scandalisée par la décision de la justice éthiopienne qui, le 21 décembre 2011, a reconnu les deux journalistes suédois Martin Schibbye et Johan Persson coupables de "soutien au terrorisme". Les deux hommes encourent un total de dix-huit ans et six mois de prison : treize ans d’incarcération pour "soutien au terrorisme" – une accusation qu’ils réfutent – et cinq ans et six mois pour "entrée illégale dans le pays" – un délit pour lequel ils ont admis leur culpabilité. Leurs peines seront prononcées à une date ultérieure.

"Ils ont démontré qu’ils étaient des journalistes respectés, mais nous ne pouvons pas conclure qu’une personne de bonne réputation ne peut pas être impliquée dans des activités criminelles, ils n’ont pas été capables de prouver qu’ils n’avaient pas soutenu le terrorisme", a déclaré le juge Shemsu Sirgaga.

"Ce verdict est absurde et prouve l’entêtement des autorités éthiopiennes, estime Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières. Plutôt que de prouver que les deux journalistes sont coupables, la justice reproche aux intéressés de ne pas pouvoir prouver leur innocence. C’est le monde à l’envers. Depuis le premier jour du procès, la défense est très claire : Johan Persson et Martin Schibbye sont entrés illégalement en Ogaden pour un travail journalistique mais n’ont jamais soutenu le terrorisme."

"Le gouvernement suédois doit intensifier ses efforts pour Johan et Martin. La diplomatie silencieuse sur laquelle Carl Bildt s’appuie ne fonctionne pas. Il doit demander leur libération immédiate", a ajouté Jesper Bengtsson, président de la section suédoise de l’organisation.

Le 20 décembre 2011, Reporters sans frontières avait écrit au Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Ben Emersson, pour dénoncer le dévoiement de la "lutte antiterroriste" en Ethiopie. L’organisation demande au responsable onusien de se rendre en Ethiopie, de s’entretenir avec le gouvernement de Meles Zenawi, et de le convaincre de cesser d’invoquer la lutte antiterroriste pour punir la liberté d’expression.

Reporters sans frontières s’est également jointe à trois autres organisations ainsi qu’à l’association "Free Johan Persson and Martin Schibbye" pour demander à l’Union européenne de s’engager plus fermement dans la défense de la liberté de la presse en Ethiopie. Lire l’article en anglais.

Le reporter Martin Schibbye et le photojournaliste Johan Persson avaient été arrêtés le 1er juillet 2011 après être entrés illégalement en Ogaden (Sud-Est), avec le Front national de libération de l’Ogaden (Ogaden National Liberation Front - ONLF), afin d’enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme perpétrées dans la région. Avant leur arrestation, les journalistes de l’agence Kontinent avaient été blessés lors d’un affrontement entre les autorités éthiopiennes et le Front national de libération de l’Ogaden, qui avait coûté la vie à quinze militants de l’ONLF.

Après deux mois d’incarcération et une première comparution le 6 septembre, ils avaient été officiellement accusés "d’activités terroristes", "d’avoir soutenu et apporté une aide professionnelle à des terroristes" et d’être "entrés dans un État souverain sans visa valide ou autorisation légale" selon les déclarations faites à l’agence de presse Bloomberg, le 7 septembre 2011, par Shimeles Kemal. Afin d’appuyer ces accusations, le procureur avait lors de l’audience utilisé une vidéo à visée propagandiste, diffusée sur le site Caakara News quelques jours après leur arrestation. Cette vidéo, qui montrait les deux journalistes portant des armes, avait fait l’objet d’un montage sonore ajoutant des bruits de coups de feu, ce qui avait été vivement dénoncé par la défense.

Le procès, qui s’est ouvert contre les deux journalistes le 18 octobre 2011 à Addis Abeba, a vu l’abandon, le 3 novembre, d’un des trois chefs d’accusation portés contre les journalistes ("participation au terrorisme") . Ils restaient cependant accusés de "soutien à un groupe terroriste" et d’"entrée illégale sur le territoire éthiopien".

Publié dans Revue de Presse

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